"Revenu de Référence"
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Chapitre 1
Introduction
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Chapitre 1 : Introduction
1.1 Présentation de l’idée : indemniser chaque citoyen via un « salaire de référence »
1.2 Contexte historique : de l’incertitude gouvernementale aux politiques hasardeuses
1.3 Le principe fondateur : si les élus sont payés pour gouverner, les citoyens doivent l’être pour subir les conséquences
1.4 Objectifs de l’ouvrage : analyser la légitimité, la faisabilité, les impacts et les limites de cette proposition
Chapitre 1 : Introduction
L’histoire politique et économique des nations est jalonnée de décisions gouvernementales dont les résultats, parfois très éloignés des attentes initiales, ont marqué durablement le destin des peuples. Qu’il s’agisse de politiques économiques, sociales, environnementales, ou encore de réformes institutionnelles, il est rare, voire impossible, de garantir à l’avance l’efficacité, la justesse ou l’équité d’une mesure. Ainsi, l’idée selon laquelle un gouvernement, n’étant jamais sûr que de façon approximative de ses manœuvres, devrait indemniser ses citoyens au titre des conséquences incertaines de ses choix, prend racine dans le constat d’une fragilité inhérente à la décision publique. De cette vision découle une proposition singulière : verser à chaque citoyen un « salaire de référence » universel, non pas pour récompenser ou encourager une activité particulière, mais pour compenser l’incertitude politique et économique, et assurer à chacun la possibilité de subvenir à ses besoins fondamentaux, malgré les aléas que pourraient engendrer des politiques mal calibrées.
1.1 Présentation de l’idée : indemniser chaque citoyen via un « salaire de référence »
La proposition peut sembler audacieuse, voire radicale : pourquoi un État devrait-il rémunérer, au sens propre du terme, chacun de ses citoyens de manière inconditionnelle, simplement parce qu’il n’est pas certain des résultats de ses propres actes ? L’idée repose sur l’hypothèse que les politiques publiques, même élaborées avec soin, reposent sur des prédictions, des projections, et des hypothèses parfois contestables. De surcroît, même les meilleures intentions peuvent déboucher sur des effets pervers, des injustices, ou des conséquences non souhaitées.
Accorder à chaque citoyen un « salaire de référence » — un revenu fixe, mensuel, indépendant de son statut professionnel, de sa richesse personnelle ou de son activité — serait une manière pour l’État de reconnaître et d’indemniser, par anticipation, les conséquences imprévisibles des décisions politiques. Il ne s’agirait pas ici d’une forme de charité publique ou d’assistance sociale, mais plutôt d’un contrat tacite : le gouvernement fait des choix qui peuvent nuire ou avantager sans discernement, le citoyen en subit l’incertitude. Il est donc légitime que ce dernier reçoive une compensation, un filet de sécurité permanent.
1.2 Contexte historique : de l’incertitude gouvernementale aux politiques hasardeuses
L’incertitude politique n’est pas neuve. Depuis que les États existent, les gouvernants tâtonnent, improvisent, testent des lois et des mesures dont les effets réels ne se révèlent pleinement qu’au fil du temps. Les réformes économiques massives, les programmes sociaux ambitieux, les mesures d’austérité ou de relance, toutes ces décisions résultent souvent d’un mélange d’idéologie, de contraintes conjoncturelles, de pressions diverses. Les résultats, eux, peuvent s’écarter significativement de la théorie.
Des crises économiques imprévues, des bulles financières éclatant à la surprise générale, des bouleversements technologiques incontrôlés, des pandémies, des catastrophes naturelles : le monde est traversé par des événements que ni les experts ni les gouvernants ne peuvent parfaitement anticiper. De même, certaines décisions stratégiques — alliances, réglementations commerciales, politiques énergétiques — qui paraissaient sensées se révèlent parfois catastrophiques avec le recul. On a ainsi vu des pays, stables en apparence, sombrer dans le doute, le chômage de masse ou l’agitation sociale, sans que leurs dirigeants ne puissent offrir de garanties préalables.
C’est donc dans ce contexte, où l’incertitude est structurelle et non accidentelle, que l’idée d’indemniser les citoyens prend forme. Si l’on admet que l’État navigue souvent dans le brouillard, que ses choix sont des paris sur l’avenir, alors la notion de responsabilité envers les administrés s’en trouve renforcée. Ne pas laisser l’individu seul assumer les conséquences imprévues d’une décision publique apparaît alors comme un geste de justice et d’honnêteté politique.
1.3 Le principe fondateur : si les élus sont payés pour gouverner, les citoyens doivent l’être pour subir les conséquences
Au cœur de cette réflexion se trouve un principe simple, presque enfantin dans son expression, mais profond dans ses implications : les gouvernants, qu’il s’agisse des ministres, des parlementaires, ou de tout autre représentant élu, perçoivent un salaire pour remplir leur fonction. Ils sont rémunérés parce qu’ils dirigent, légifèrent, et prennent des décisions au nom de la nation. Cette rémunération institutionnalise le rôle des dirigeants et reconnaît la valeur de leur travail.
Dès lors, pourquoi les citoyens, qui endurent les effets, bons ou mauvais, de ces mêmes décisions, ne recevraient-ils pas eux aussi une forme de rémunération ? Non pas un salaire en échange d’un travail, mais une indemnité, un dédommagement permanent pour le risque qu’ils encourent du fait de politiques imparfaites ? À la différence d’un salarié qui choisit, en principe, son emploi et peut le quitter, le citoyen n’a pas toujours la possibilité de s’affranchir facilement des choix gouvernementaux. Il doit composer avec.
Si les élus assument leurs responsabilités et perçoivent une contrepartie financière, pourquoi ne pas étendre ce raisonnement aux administrés, qui subissent, en tant que population, des décisions dont l’incertitude ne fait jamais de doute ? Ce principe fondateur donne une base éthique et logique à l’idée du « salaire de référence » : puisqu’il y a asymétrie dans la prise de décision (les gouvernants décident, les citoyens subissent), il faut rétablir un équilibre en garantissant aux citoyens une forme de compensation.
1.4 Objectifs de l’ouvrage : analyser la légitimité, la faisabilité, les impacts et les limites de cette proposition
Cet ouvrage se donne pour but d’explorer cette idée sous toutes ses coutures. Il ne s’agit pas d’une simple proposition fantasque, mais d’un concept que l’on veut soumettre à l’analyse rationnelle, économique, politique, philosophique, et pratique. Quelles seraient les conséquences d’un tel dispositif sur l’économie d’un pays ? Y aurait-il un risque d’inflation ou d’assistanat généralisé ? Comment garantir que ce « salaire de référence » n’érode pas la motivation au travail, ne fausse pas le jeu du marché, ou ne crée pas de tensions sociales ?
De plus, comment mettre en œuvre une telle mesure de façon concrète et durable ? Est-ce réalisable dans le cadre des institutions monétaires actuelles ? La création et la destruction monétaire par la Banque Centrale peuvent-elles être mobilisées sans provoquer une instabilité financière ? Comment légitimer politiquement une telle allocation universelle, et comment la distinguer d’un revenu de base inconditionnel ou d’autres formes de redistribution ?
L’ouvrage visera également à répondre aux objections les plus évidentes. Certains reprocheront à cette idée de déresponsabiliser les individus, d’autres d’alourdir la charge pesant sur les finances publiques. On pourra craindre un surcroît de complexité administrative, un effet pervers sur le comportement des électeurs, une difficulté à maîtriser la masse monétaire en circulation.
Enfin, il convient d’évaluer les conséquences culturelles et symboliques d’une telle transformation de la relation entre l’État et ses citoyens. Loin d’être un simple mécanisme économique, le « salaire de référence » pourrait modifier en profondeur la compréhension du contrat social, du rôle du gouvernement, de la nature même de l’appartenance à la communauté nationale.
Au fil des chapitres, nous examinerons en détail les fondements éthiques, les mécanismes possibles, les critiques, les comparaisons avec d’autres systèmes (comme le revenu universel), les impacts économiques et sociaux, ainsi que les pistes pour en assurer une mise en œuvre équilibrée. Il ne s’agira pas de livrer un verdict final sans nuance, mais de présenter les enjeux, les conditions et les limites d’une idée qui, en cherchant à indemniser les citoyens pour l’incertitude inhérente à la gouvernance, soulève des questions fondamentales sur la place de chacun dans la collectivité, la valeur du risque politique, et la manière dont une société choisit de répartir les fruits et les coûts du destin qu’elle se forge.
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