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"Revenu de Référence"

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Chapitre 4
Comparaison avec le Revenu Universel

 

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Chapitre 4 : Comparaison avec le Revenu Universel 
4.1 Points communs et différences avec le revenu de base inconditionnel
4.2 Le salaire de référence comme version justifiée par l’incertitude politique
4.3 Avantages et inconvénients par rapport au revenu universel standard
4.4 Les critiques habituelles du revenu inconditionnel et la réponse dans ce contexte

 

 

Chapitre 4 : Comparaison avec le Revenu Universel 

 

Le concept de « salaire de référence », qui indemnise les citoyens par anticipation afin de compenser l’incertitude politique, peut rappeler à première vue le revenu universel (ou revenu de base inconditionnel). Après tout, il s’agit dans les deux cas d’assurer à chacun un montant mensuel, sans conditions liées à l’emploi ou à la situation économique individuelle. Pourtant, les motivations, les justifications morales et l’ancrage institutionnel diffèrent de façon significative. Comprendre ces nuances permet de saisir l’originalité du « salaire de référence » et d’évaluer comment il se positionne par rapport au modèle plus connu du revenu universel.

 

4.1 Points communs et différences avec le revenu de base inconditionnel

Le premier point commun avec le revenu universel est l’universalité : toutes les personnes rattachées à la communauté nationale en bénéficient, sans critères de ressources ni exigence de travail. De même, le caractère inconditionnel est partagé, puisqu’il ne s’agit pas de récompenser un comportement particulier, mais d’octroyer un droit fondamental à une somme d’argent. Ces deux éléments, universalité et inconditionnalité, créent une similitude structurelle : dans les deux cas, on établit un socle financier commun, indépendant de la situation personnelle.

Toutefois, au-delà de cette apparence, les différences sont notables. Le revenu universel est souvent justifié par la nécessité d’adapter la société à la raréfaction de l’emploi, à la précarité du travail, aux mutations technologiques, ou encore par un principe d’équité redistributive plus général. Il se veut un instrument de simplification des politiques sociales, de réduction des inégalités et de renforcement de la liberté individuelle. Le salaire de référence, lui, s’inscrit dans une toute autre logique : c’est la reconnaissance du fait que l’action gouvernementale est incertaine et que les citoyens, en subissant les conséquences de cette incertitude, méritent une indemnisation.

Ainsi, si le revenu universel s’apparente souvent à une mesure pensée pour un futur où la valeur travail est remise en question, le salaire de référence est conçu comme une réponse directe à la faille épistémique de la gouvernance publique. Là où le revenu universel part d’une vision socio-économique globale, le salaire de référence part d’une analyse institutionnelle et morale du contrat social entre gouvernants et gouvernés.

 

4.2 Le salaire de référence comme version justifiée par l’incertitude politique

L’un des points centraux distinguant le salaire de référence du revenu universel est la justification éthique spécifique. Le revenu de base est souvent présenté comme un moyen de garantir la subsistance matérielle de chacun, de simplifier la protection sociale, ou de libérer les individus du carcan du travail salarié. En revanche, le salaire de référence s’appuie sur l’argument de l’incertitude politique : le gouvernement, n’étant jamais certain de l’efficacité de ses manœuvres, doit indemniser le peuple pour cette prise de risque permanente.

Cette justification a un impact important sur la légitimité perçue. Certains critiques du revenu universel reprochent à cette mesure de n’être qu’une utopie, un rêve généreux mais déconnecté de toute contrainte réelle. À l’inverse, le salaire de référence s’ancre dans une logique de responsabilité et de « pollueur-payeur politique » : si l’État, en prenant des décisions, potentiellement « pollue » le bien-être des citoyens, il doit compenser ce risque par un revenu. Ici, la source de la légitimité n’est pas uniquement la solidarité sociale, mais le caractère contractuel et responsable de la relation État-citoyen.

 

4.3 Avantages et inconvénients par rapport au revenu universel standard

En comparant les deux modèles, on peut identifier plusieurs avantages et inconvénients relatifs du salaire de référence.

 

Avantages du salaire de référence sur le revenu universel :

Justification claire : Le salaire de référence repose sur un principe simple : on indemnise l’incertitude. Cela peut convaincre ceux qui rejettent le revenu universel par principe, en leur offrant une rationale plus ancrée dans la responsabilité étatique.

Contrat social renforcé : Plutôt qu’une mesure purement idéaliste, le salaire de référence confirme un lien de réciprocité entre l’État et le citoyen, ce qui peut soutenir sa légitimité politique.

Lien explicite avec l’action publique : Contrairement au revenu universel, perçu comme un droit universel déconnecté des circonstances, le salaire de référence s’inscrit dans la dynamique des politiques publiques, de leurs succès et leurs échecs. Ceci peut aider à mobiliser un consensus, car il rappelle que l’État doit répondre de ses choix.

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Inconvénients du salaire de référence par rapport au revenu universel :

Complexité conceptuelle : Alors que le revenu universel s’explique par la simplification et la réduction des inégalités, le salaire de référence exige d’intégrer la notion d’incertitude politique, moins facilement compréhensible pour le grand public.

Risque d’instrumentalisation politique : Le fait de relier cette indemnisation au caractère incertain des politiques pourrait encourager certains gouvernants à minimiser ou nier l’efficacité de leurs mesures, ou au contraire à revendiquer que ce dispositif justifie n’importe quelle expérimentation, puisqu’il existe une compensation.

Moins d’unanimité idéologique : Le revenu universel attire des soutiens variés (de libertariens à des socialistes), tandis que le salaire de référence repose sur une vision très spécifique de la légitimité politique. Cette spécificité peut restreindre l’audience favorable.

 

4.4 Les critiques habituelles du revenu inconditionnel et la réponse dans ce contexte

Les critiques habituelles du revenu universel portent sur plusieurs points : le risque d’oisiveté, l’inflation des coûts, l’encouragement à la paresse, la difficulté de le financer, et le caractère injuste d’aider ceux qui n’en ont pas besoin. Ces objections s’appliquent-elles au salaire de référence, et comment y répondre ?

Risque d’oisiveté : On craint que recevoir un revenu sans contrepartie décourage le travail. Dans le contexte du salaire de référence, la justification étant l’incertitude politique, on peut répondre que la finalité n’est pas de décourager l’activité, mais de compenser un risque. Les citoyens continueraient de travailler, d’entreprendre, car le salaire de référence ne serait pas nécessairement très élevé, il servirait de filet de sécurité, non de substitut au revenu du travail.

 

Coût et financement : Le financement demeure un défi. Cependant, le lien avec l’incertitude politique ouvre la porte à une logique d’ajustement monétaire gérée par la Banque Centrale, et potentiellement réversible. Au lieu de prétendre que le revenu universel est un nouvel acquis social immuable, le salaire de référence peut être modulé en fonction de la conjoncture, reflétant l’évolution du risque perçu. Cette flexibilité atténue les inquiétudes relatives à un gouffre financier permanent.

 

Injustice envers les riches : Le revenu universel est parfois critiqué pour octroyer de l’argent aux plus aisés. Dans le cas du salaire de référence, la justification en termes d’incertitude politique s’applique à tous. Les plus riches profitent eux aussi d’un contexte politique incertain, même s’ils sont mieux armés pour y faire face. La solution, comme pour le revenu universel, pourrait être de récupérer partiellement cet avantage via la fiscalité progressive, ce qui permet de maintenir l’universalité tout en corrigeant l’inégalité.

 

Effet sur la productivité et l’innovation : Certains craignent que l’argent inconditionnel réduise l’incitation à innover et à créer. Or, on peut faire valoir, comme les défenseurs du revenu universel le font déjà, que la sécurité financière de base libère la créativité, permet la prise de risque entrepreneuriale, et favorise l’engagement citoyen. Dans le cadre du salaire de référence, ce raisonnement se double de l’idée que, rassurés face aux aléas politiques, les individus pourraient se sentir plus à l’aise pour s’investir dans la vie publique et les projets collectifs.

 

En définitive, le salaire de référence se distingue du revenu universel par sa justification éthique et politique spécifique. Alors que le revenu universel s’appuie sur une philosophie de justice sociale globale, d’adaptation aux mutations du travail et d’émancipation individuelle, le salaire de référence est ancré dans la reconnaissance de l’incertitude politique et de la responsabilité gouvernementale. Leurs points communs (universalité, inconditionnalité) n’excluent pas des différences profondes sur le plan conceptuel.

La confrontation des deux idées montre que, si le revenu universel peine parfois à convaincre pour des raisons idéologiques, le salaire de référence pourrait trouver une légitimité alternative, fondée sur le principe d’indemniser les citoyens pour les risques collectifs imposés par la gouvernance. Cela ne met pas fin au débat sur les effets économiques et sociaux, ni sur la question du financement, mais offre un angle d’approche différent, susceptible de résonner chez ceux qui exigent que l’État, reconnaissant la faiblesse de sa clairvoyance, compense la population pour le flou dans lequel il avance.

 

 

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