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"Revenu de Référence"

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Chapitre 5
Légitimité Démocratique et Contrat Social

 

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Chapitre 5 : Légitimité Démocratique et Contrat Social 
5.1 Le nouveau contrat social : le gouvernement paie pour ses erreurs potentielles
5.2 Transparence, accountability et légitimité renforcée de l’État
5.3 Implication sur la relation gouvernés/gouvernants : citoyen non plus « sujet » mais « partenaire »
5.4 Les enjeux démocratiques : stabiliser la confiance envers les institutions

 

 

Chapitre 5 : Légitimité Démocratique et Contrat Social

 

L’un des enjeux majeurs du « salaire de référence » réside dans sa capacité à remodeler la relation entre le gouvernement et les citoyens. En reconnaissant l’incertitude inhérente à l’action publique, en compensant par avance le risque que les politiques échouent, cette mesure propose une nouvelle forme de contrat social. Au-delà de l’aspect économique, c’est sur le terrain de la démocratie, de la légitimité et de la confiance institutionnelle que le salaire de référence pourrait exercer une influence décisive. Loin de l’image du citoyen passif, simple récepteur des décisions et des aléas de la sphère politique, on entrevoit un pacte plus équitable, où le citoyen est traité en partenaire, voire en « co-gestionnaire » de la destinée commune.

 

5.1 Le nouveau contrat social : le gouvernement paie pour ses erreurs potentielles

Le postulat de départ est simple : les gouvernants, même de bonne foi, ne sont pas infaillibles. Leurs politiques, conçues dans un contexte d’information incomplète, d’incertitudes multiples et de pressions contradictoires, peuvent conduire à des résultats inattendus. Qu’il s’agisse d’un plan de relance économique qui ne porte pas ses fruits, d’une réforme éducative aux effets ambigus ou d’une politique énergétique provoquant des bouleversements inattendus, l’État ne peut jamais garantir le succès ni l’absence de dommages collatéraux.

En introduisant un salaire de référence, l’État admet publiquement cette limite et décide d’en assumer le coût. Au lieu de laisser les citoyens assumer seuls les risques des erreurs gouvernementales, ce « contrat social révisé » formalise une responsabilisation de l’appareil politique. L’idée est que, dans un contexte d’incertitude, celui qui détient le pouvoir de décision doit supporter une partie du fardeau de l’incertitude. Le gouvernement, en compensant par principe tous les membres de la communauté, fait acte d’honnêteté et de fair-play : il ne s’arroge pas le droit de tenter des politiques sans en payer le prix, au moins symboliquement.

Cette nouvelle donne redéfinit la notion même de gouvernance : elle ne repose plus seulement sur l’autorité institutionnelle, mais aussi sur un contrat moral clair. L’État ne promet pas la perfection, mais offre une garantie concrète aux citoyens, rendant plus explicite et plus juste la relation de confiance qui les unit.

 

5.2 Transparence, accountability et légitimité renforcée de l’État

Le salaire de référence, s’il est mis en place, ne pourra demeurer crédible que dans un contexte de grande transparence. Pour que cette compensation soit acceptée comme légitime, il faudra expliquer, communiquer, justifier les choix politiques, les hypothèses et les erreurs. Ce n’est pas un hasard si la notion de transparence (transparency) et de redevabilité (accountability) apparaît comme un corollaire. Le gouvernement devra établir des indicateurs, des rapports réguliers, des bilans permettant de comprendre pourquoi certaines politiques ont donné les résultats attendus ou non.

En d’autres termes, le salaire de référence pourrait inciter l’État à se montrer plus rigoureux, plus didactique, plus soucieux de rendre des comptes. Au lieu de se cacher derrière des discours technocratiques ou des justifications vagues, il saura que chaque raté s’inscrit dans un système où les citoyens, du fait de leur indemnisation, auront d’autant plus le droit de demander des explications. Loin de se voir affaiblie, l’autorité institutionnelle de l’État pourrait ainsi se renforcer, non par la contrainte, mais par une légitimité renouvelée, basée sur l’admission des limites et la volonté de correction.

Un État qui reconnaît ses incertitudes gagne en sincérité. Cette sincérité, mieux comprise par le public, pourrait solidifier la légitimité démocratique. Au lieu de présenter des certitudes trompeuses, les gouvernants pourraient dire : « Nous ne sommes pas sûrs, mais nous avons conscience du risque et nous le partageons avec vous. » Un tel discours, s’il est suivi d’actes concrets comme le salaire de référence, serait perçu comme plus authentique et plus digne de confiance.

 

5.3 Implication sur la relation gouvernés/gouvernants : citoyen non plus « sujet » mais « partenaire »

Dans les modèles traditionnels du contrat social, le citoyen est souvent vu comme un sujet, parfois comme un électeur et un contribuable, mais rarement comme un partenaire à égalité. Bien sûr, la démocratie représentative reconnaît aux citoyens le droit de choisir leurs dirigeants, mais après les élections, la dynamique penche largement en faveur de ceux qui prennent les décisions. Le citoyen subit les réformes, les lois, les mesures, sans toujours avoir de moyens de s’en défendre ou d’être indemnisé si elles s’avèrent néfastes.

Le salaire de référence inverse cette logique. En assurant une base financière stable à tous, indépendamment des fluctuations et des ratés politiques, l’État confère à chaque citoyen une forme d’autonomie, de sécurité qui lui permet de peser davantage dans la relation. Le citoyen, mieux protégé, n’est plus un simple récepteur passif, mais un acteur capable d’exprimer ses préférences, de prendre plus de risques personnels (création d’entreprise, changement de carrière, engagement associatif) sans craindre le désastre en cas de mauvaises politiques.

Cette relation plus équilibrée pourrait réinvestir la démocratie d’un sens nouveau. Les gouvernants traiteraient leurs administrés comme des partenaires de ce grand projet national, non comme des ressources à administrer. Les élections, les débats publics, la participation citoyenne gagneraient en substance, car les citoyens disposeraient déjà d’une garantie matérielle, ce qui rendrait leurs choix plus libres et leurs critiques plus légitimes.

 

5.4 Les enjeux démocratiques : stabiliser la confiance envers les institutions

La légitimité démocratique repose en grande partie sur la confiance. Or, cette confiance a tendance à s’éroder dans des contextes de crise, d’échecs répétés des politiques, d’apparente déconnexion entre les élites et la population. En reconnaissant l’incertitude et en la compensant, le salaire de référence peut contribuer à stabiliser la confiance dans les institutions.

Lorsque les citoyens voient que l’État anticipe non seulement leurs besoins mais aussi ses propres erreurs, ils peuvent se dire : « Au moins, on ne nous prend pas pour des marionnettes. On assume que la politique est un pari, et on nous respecte en nous indemnisant pour ce pari. » Ce sentiment de respect mutuel, de prise en compte de la vulnérabilité de chacun face aux aléas politiques, pourrait solidifier le lien civique. Les gouvernants deviendraient des gestionnaires honnêtes, conscients du risque, et les citoyens, rassurés, accepteraient plus volontiers de s’impliquer dans la vie publique, de soutenir des projets communs, de ne pas céder au cynisme ou à la tentation populiste du « tous pourris ».

Bien sûr, tout cela reste théorique. Il faudra vérifier, dans la pratique, si le salaire de référence ne crée pas de nouvelles tensions, de nouvelles incompréhensions. Il faudra être attentif à ce que cette mesure ne soit pas perçue comme un simple cache-misère, une manière d’acheter la paix sociale. C’est pourquoi la cohérence de l’ensemble du dispositif (transparence, communication, ajustements) sera cruciale. Cependant, dans l’idée même, on trouve un levier puissant pour réenchanter la démocratie : admettre l’incertitude, compenser l’injustice potentielle, et ainsi réaffirmer un contrat social moderne, dans lequel l’État et le citoyen se reconnaissent mutuellement, non comme des adversaires, mais comme des co-gestionnaires éclairés de la chose publique.

 

En conclusion, d’un point de vue démocratique, le salaire de référence a le potentiel de refonder la légitimité et la confiance institutionnelle sur des bases plus réalistes, plus honnêtes. Au lieu de prétendre à l’omniscience politique, l’État se présente comme un acteur faillible mais responsable, prêt à indemniser la population pour les risques encourus. Cette reconnaissance, loin de fragiliser l’autorité, pourrait renforcer la coopération, la stabilité, la participation citoyenne, et in fine consolider le socle démocratique. Le citoyen, ainsi, n’est plus un simple « sujet », mais un véritable « partenaire » dans l’aventure collective, confortant le sens profond de la démocratie : le gouvernement du peuple par le peuple, dans un cadre de respect et d’équité.

 

 

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