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"Revenu de Référence"

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Chapitre 8
Réponses aux Critiques

 

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Chapitre 8 : Réponses aux Critiques 
8.1 Régulation et limitation du montant
8.2 Mécanismes d’ajustement monétaire : création et destruction monétaire ciblée
8.3 Encourager l’activité économique malgré la base sécurisée de revenus
8.4 Le salaire de référence comme filet de sécurité plutôt que comme revenu unique

 

 

Chapitre 8 : Réponses aux Critiques 

Face aux multiples critiques examinées précédemment, le concept du « salaire de référence » doit se défendre à travers des ajustements, des mécanismes de régulation et une clarification de ses objectifs. Loin de nier les risques ou les objections, l’idée est d’y apporter des réponses pragmatiques. On peut, d’une part, réguler et limiter le montant versé, afin d’éviter l’oisiveté de masse et l’inflation. D’autre part, on peut mettre en place des mécanismes monétaires sophistiqués, prévoyant à la fois la création et la destruction ciblée de monnaie, permettant d’éviter la spirale de la dette publique ou l’hyperinflation. Il s’agit également d’encourager l’activité économique, en soulignant que ce salaire n’est pas censé remplacer le revenu du travail. Enfin, le présenter comme un filet de sécurité, et non un revenu suffisant à lui seul, pourrait lever les objections moralistes et méritocratiques.

 

8.1 Régulation et limitation du montant

La première réponse évidente aux craintes d’assistanat ou d’incitation à l’oisiveté consiste à ne pas fixer le salaire de référence à un niveau trop élevé. Loin d’être un « revenu confortable », il s’agirait plutôt d’un plancher minimal, permettant de subvenir aux dépenses fondamentales, comme l’alimentation, le logement basique ou la santé. En ne couvrant que les besoins essentiels, ce salaire ne devient pas une invitation à cesser toute activité, mais une assurance contre la misère.

Cette approche permet de répondre aux critiques selon lesquelles les citoyens, rassurés, cessaient de travailler. Si le salaire de référence n’est pas suffisamment haut pour offrir un mode de vie aisé, il ne suffira pas à motiver l’oisiveté. Le travail, la création, l’innovation, demeureront des voies d’enrichissement, d’amélioration du confort de vie ou de réalisation personnelle. Les individus garderont donc un intérêt à s’investir, à étudier, à développer des compétences, à chercher des emplois mieux rémunérés ou à entreprendre.

Fixer un montant raisonnable, ajusté au coût de la vie et révisé périodiquement, permet en outre d’éviter l’inflation alimentée par une demande excédant de trop les capacités de production. On part du principe que ce socle modeste ne bouleversera pas radicalement la structure de l’offre et de la demande, mais stabilisera la consommation de base.

 

8.2 Mécanismes d’ajustement monétaire : création et destruction monétaire ciblée

L’une des critiques majeures concerne le risque d’inflation ou de surendettement, si l’État émet de la monnaie ou s’endette sans contrôle pour financer le salaire de référence. Pour y répondre, il faut concevoir un dispositif monétaire plus intelligent, fondé sur la création et la destruction ciblée de monnaie. Au lieu de recourir systématiquement à l’emprunt, la Banque Centrale pourrait, chaque mois, créer une quantité limitée de monnaie destinée à alimenter ce salaire, puis, dans un second temps, la détruire partiellement à travers divers canaux (taxes, obligations monétaires, réserves bancaires) lorsque la conjoncture le permet.

Cette flexibilité ressemble aux opérations d’open market, mais appliquées à une échelle plus large et suivant un objectif précis : maintenir la stabilité des prix tout en alimentant un socle de revenu. Les périodes d’expansion pourraient voir une destruction monétaire plus marquée, afin d’éviter la surchauffe. Les périodes de crise verraient au contraire une injection plus généreuse, pour soutenir la demande. Ainsi, la masse monétaire globale resterait à peu près stable sur le long terme, évitant l’hyperinflation.

Cet équilibre devra être supervisé par une Banque Centrale indépendante, disposant d’outils perfectionnés d’analyse et de prévision. Les objectifs de politique monétaire ne changeraient pas fondamentalement (stabilité des prix, stabilité financière), mais seraient complétés par la gestion de ce salaire de référence comme un levier supplémentaire de stabilisation macroéconomique. Les critiques libérales, qui craignent une mainmise accrue de la politique sur la monnaie, pourraient être apaisées si la Banque Centrale conserve une indépendance réelle et un mandat clair, garantissant une gestion prudente.

 

8.3 Encourager l’activité économique malgré la base sécurisée de revenus

Un autre aspect consiste à rassurer sur la dynamique économique. Le salaire de référence, loin d’être un frein, peut s’inscrire dans un système de stimulation de l’activité. Premièrement, les individus seront plus enclins à prendre des risques entrepreneuriaux, sachant qu’en cas d’échec, ils ne sombreront pas dans la misère. Cette sécurité pourrait encourager l’innovation, la création de start-ups, l’expérimentation de nouvelles formes de travail, voire le retour à la formation pour se recycler dans une autre spécialité.

Deuxièmement, un filet de sécurité favorise la mobilité professionnelle. Des travailleurs oseront quitter un emploi insatisfaisant pour chercher mieux, ce qui pourrait, paradoxalement, améliorer le fonctionnement du marché du travail : moins de trappe à bas salaires, plus de réorientation selon les compétences réelles, et une allocation du travail plus efficiente. Les entreprises qui souhaitent retenir leurs employés devront proposer des conditions attractives, tirant la qualité du travail vers le haut.

Enfin, en insistant sur le fait que le salaire de référence est un plancher et non une rente luxueuse, on rappelle constamment aux citoyens que pour mieux vivre, pour acquérir plus de biens, pour concrétiser des projets, le travail et l’investissement personnel restent la voie la plus directe. Le dispositif, plutôt que d’entraver l’activité, pourrait favoriser un équilibre plus sain, où les individus travaillent par choix et par ambition, non par peur de la pauvreté.

 

8.4 Le salaire de référence comme filet de sécurité plutôt que comme revenu unique

L’une des critiques moralistes est que ce salaire réduirait la valeur du mérite, de la responsabilité individuelle et de l’engagement personnel. La réponse à cela est de clarifier le positionnement du salaire de référence : il n’a pas vocation à devenir le revenu unique de chacun, mais un socle. Le mérite, la responsabilité, la volonté de progresser demeurent des facteurs essentiels pour améliorer sa situation. Le salaire de référence ne nivelle pas les revenus par le haut, il empêche seulement le basculement vers la détresse en cas de choc, d’erreur politique ou de crise imprévue.

On peut le considérer comme une police d’assurance sociale, basée sur le principe que chacun, en tant que citoyen, mérite de ne pas subir les conséquences extrêmes d’une mauvaise politique gouvernementale. Cette logique renvoie à l’idée que la responsabilité individuelle n’est pas abolie, mais replacée dans un cadre plus équitable : les citoyens ne sont plus contraints de tolérer l’arbitraire de décisions politiques incertaines sans aucune protection.

Les arguments moralistes qui valorisent le mérite et le travail doivent être compris dans un contexte différent : le salaire de référence ne prétend pas supprimer la course au mérite, il la rend simplement moins cruelle, assurant que personne ne soit purement et simplement sacrifié sur l’autel de l’incertitude publique. En ce sens, on pourrait même y voir une mesure qui permet un mérite plus authentique, puisque chacun part d’une base plus stable, et que les réussites personnelles ne s’expliquent plus par la seule chance ou l’absence de risques inattendus.

 

En résumé, les réponses aux critiques se situent principalement dans la conception fine du dispositif et son positionnement dans l’économie. Limiter le montant pour éviter l’oisiveté, employer une politique monétaire subtile faite de création et destruction ciblées pour prévenir l’inflation, encourager l’activité plutôt que la substituer, et clarifier le rôle du salaire comme filet de sécurité plutôt que comme revenu unique, sont autant d’ajustements susceptibles de rassurer les sceptiques.

Au-delà du domaine économique, ces réponses redéfinissent la nature même de la mesure, non comme une utopie naïve, mais comme un mécanisme institué, flexible, ajustable, tenant compte des réalités du marché du travail, de la monnaie et de la psychologie humaine. Le salaire de référence se présente alors moins comme un rêve égalitaire que comme une innovation pragmatique, cherchant un compromis entre les exigences de la justice, la reconnaissance de l’incertitude et les contraintes de l’économie. De ce point de vue, il s’agit surtout de montrer que l’idée, bien que radicale en apparence, peut être domestiquée par des outils techniques et une gouvernance responsable.

 

 

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